La gestion de la fertilisation azotée sur tomates, un levier permettant l’étalement de la production

16 décembre 2016

Comment gérer la fertilisation azotée sur tomates pour permettre une production plus stable et plus longue en durée ? Afin de répondre à cette question des essais ont été menés sur deux exploitations des Alpes de Haute-Provence cette année par Agribio 04.

La tomate est un produit phare du sud-est, central dans l’économie des exploitations maraîchères biologiques. Que ces dernières soient en circuits courts ou longs, leurs objectifs convergent souvent vers un étalement de la production pour assurer la demande de fin d’été sur les marchés ou vers les grossistes en complémentarité des productions de la basse vallée de la Durance.
La tomate sous serre est une culture particulièrement exigeante en azote, avec des besoins entre 200 et 300 unités d’azote pour des objectifs de rendement de 80 à 100 tonnes par ha. Le questionnement des producteurs qui ont piloté l’étude était donc de déterminer le meilleur itinéraire technique d’apport d’azote pour permettre l’étalement de la production. Pour ce faire, des essais ont été menés sur deux exploitations, une de la Vallée de la Durance à La Brillanne et une autre à Mane. Dans chacune de ces deux exploitations, différentes modalités de fertilisation ont été testées sur la variété F1 Carnejie :
-  T1 : apport de 150 unités d’azote avant la plantation (MV100 -4-3-3- : composé à 80% de fumier de mouton et 20% de tourteaux végétaux) + 54 unités en cours de culture (fractionnement).
-  T2 : apport de 200 unités d’azote avant plantation.
-  T3 : apport de 150 unités d’azote avant plantation.


Plan des essais

Le fractionnement azoté favorise le rendement via l’étalement de la production
Lorsque les 200 unités d’azote ont été apportées en fractionné, sur l’exploitation de la Brillanne, les rendements de tomates sur la totalité de la période de récolte ont été augmentés de 5% (T1, rendement de 19.3 kg/m²) comparativement aux 200 unités apportées en une seule fois (T2, rendement de 18.3 kg/m²). Quelle que soit la manière d’apporter les 200 unités, le rendement est systématiquement supérieur par rapport à la modalité avec un apport de 150 unités avant plantation (T3, 17.8 kg/m²).
Ces tendances ont également été observées sur l’exploitation de Mane, dans des proportions moindres du fait de problèmes parasitaires sur les cultures.


Rendements comparés (kg/m²) sur les modalités de l’essai

L’analyse des résultats dans la durée a permis de mettre en évidence que le fractionnement azoté permet d’obtenir des rendements plus importants en fin de saison. Fractionner les apports d’azote semble donc une stratégie pertinent pour favoriser un meilleur étalement de la production.

Rendement (en kg de plantes récoltés sur 11 plants consécutifs) en fonction des semaines de l’année (exploitation de la Brillanne). La baisse de récolte observé en semaine 33 (mi juillet) s’explique par un refroidissement des températures à cette période.

Le gain de rendement du au fractionnement azoté s’explique par un meilleur taux de nouaison
Le gain de rendement du fait du fractionnement azoté s’explique par un meilleur taux de nouaison (entre 0.8 et 0.85) comparativement aux apports d’azote en une seule fois avec 150 ou 200 unités d’azote (entre 0.71 et 0.8). Ce taux de nouaison est notamment augmenté dans les bouquets supérieurs de la plante, donc fleurissant plus tardivement, expliquant ainsi l’étalement plus important de la production avec le fractionnement. L’apport fractionné de 200 unités d’azote a donc permis une augmentation des rendements par l’obtention d’un meilleur nombre de fruits. Le poids moyen des fruits est quant à lui plus important avec un apport moindre de 150 unités d’azote : les fruits y sont moins nombreux mais plus gros, sans pour autant compenser la perte de rendement par rapport à des apports azotés plus importants.

Piloter la fertilisation azotée en fonction de ses objectifs
Ces premiers résultats montrent que la stratégie de pilotage de la fertilisation est un des leviers permettant de répondre à ses objectifs de production. Le fractionnement a été une solution pour maintenir la production en fin d’été, période à laquelle le prix du kg de tomates est généralement plus élevé qu’en pleine saison. Dans les deux exploitations de l’étude, les agriculteurs ont donc largement compensé économiquement leur surcharge de fertilisation des modalités T1 et T2. Bien gérer sa fertilisation azotée n’a par ailleurs de sens uniquement dans un cadre de bonne gestion des autres facteurs influençant les rendements, au premier rang desquels le pilotage de l’irrigation et la bonne tenue agronomique des irrigations.
Cette étude permet également d’ouvrir des perspectives sur le choix des produits fertilisant utilisés et leur stratégie de positionnement. En complément d’apports de fond de matière lentement minéralisable à la plantation, il pourrait être envisagé des apports fractionnés avec des produits titrés en azote (N10) minéralisant plus rapidement tout au long du cycle de la tomate permettant de répondre au plus près des besoins. Des essais menés par le GRAB ont notamment montré l’intérêt d’apporter le fractionnement en quatre ou cinq fois plutôt qu’en une.

Pour aller plus loin : Compte rendu détaillé des essais

Mathieu Marguerie, sur la base de travaux réalisés par Pauline Bories